Seul un piano habite la scène du Cabaret Aléatoire dont la salle a été aménagée de manière à ce que le spectateur, assis, ait l'impression d'être invité à un récital de piano donné par un aristo fou en robe de chambre, gants blancs et les cheveux en pétard dans l'une des 118 pièces de son château. Apparaissant de la sorte au public, Gonzales débute son récital avec Dot, joué en mineur, alors traumatisé, nous raconte-il, par sa prof de piano Russe qui, frottant son incommensurable poitrine sur le dos du petit Gonzales, l'obligeait à ne jouer qu'en majeur...
Ainsi, entre anecdotes d'enfance et show, Gonzales laisse ses spectateurs-hôtes déroutés de son impressionnante aisance à pianoter si librement Overnight ou Apology, alternant virtuosité légère et pétage de plomb lourdement sonore. Gonzales est de ces musiciens virtuoses n'aimant pas le monotone et le monocorde; il doit amener sa touche personnelle afin de fendre le classicisme d'un morceau et le rendre "Gonzolien", comme il dit.
Les exemples à l'appui s'enchaînent et le public se surprend à chercher les titres des morceaux (très variés) joués par l'artiste: Sound and Silence de Simon & Garfunfel, Staying alive des Bee Gees, Hotel California des Eagles.
Alternant ses morceaux et des reprises (libres), Gonzales s'invente et réinvente sans cesse, plus qu'à l'aise avec son piano qu'il dompte sans ménagement aucun. L'instrument devient le prolongement du personnage tellement celui-ci le transcende en faisant courir avec force et préciosité ses doigts incontrôlables qui vrillent, tapent, explosent les touches allant jusqu'à aller chercher des notes sur le côté ou derrière lui...Hilare et médusé, le public reste coi et con, parfois.
La performance du Canadien ne s'arrête pas là en prenant une dimension interactive et faire entonner un sample du Wu-Tang Clan tout en jouant de son instrument. L'osmose est là.
Il invite également sur scène une petite fille et un jeune homme pour infirmer l'idée selon laquelle les français n'auraient aucun sens du rythme...L'artiste conclut d'un « No coment... ».
En vrai showman, Gonzales présente son « Opéra autobiographique » en plusieurs actes qui raconte, notamment, la plaisante rencontre de ses parents et la conception de leur fils qui durant plusieurs jours n'a pas eu de nom ou encore le jour où son sévère grand-père découvrit que son petit-fils était un génie lorsqu' il le surprit, de retour des toilettes, en train de jouer du Wagner sur un mode jazz...
Fou et créatif, Gonzales a offert ce soir-là plusieurs de ses nombreuses facettes à un public conquis par la mélomanie sans limite de cet artiste de choix.
Sali K
Photos: Cyrille L