Rencontre avec Manolo, le directeur artistique du théâtre du Centaure à l'origine de l'événement Transhumance créé dans le cadre de Marseille Provence 2013.
Quelle est l'origine du projet TransHumance ?
L'origine, elle vient peut être de nous, de notre expérience intime. Nous, c'est le théâtre du Centaure et notre moitié animale qui représente ces chevaux avec qui on partage notre vie 365 jours par an. On a voulu transposer à l'échelle d'une capitale européenne ce qu'on vivait d'une façon intimiste. A l'échelle de tout un territoire le but était d'inviter à un grand voyage. Ce qui est important de souligner c'est que TransHumance symbolise toute une équipe omniprésente pour que tout soit possible. L'idée vient du théâtre du Centaure mais il ne faut pas oublier l'Equi'Créa, le plus gros organisateur de manifestations équestres d'Europe. Marseille Provence 2013 est en charge de toute la production, énormément de personnes sont impliqués dans cette expérience intime, ouverte à chacun. Venir marcher sur ce territoire en traversant des sites naturels d'exception, des centres urbains est quelque chose de magique. Il faut savoir que tous les parcs et réserves du territoire sont partenaires de l’événement, de ce fait, ils ouvrent spécialement pour TransHumance des sites qui, en temps normal, ne sont pas forcément adaptés au voyage à pied ou à cheval. C'est toute une équipe qui met en place un dispositif poétique à résonance multiple.
L'objectif de ce projet est en quelque sorte de mettre en valeur à la fois l'histoire et la culture du territoire.
Oui bien sûr, il y a 600 kilomètres de parcours, 11 bivouacs dans les 11 plus beaux lieux. De très nombreuses communes sont impliquées et, à chaque fois, les acteurs du territoire s'emparent du projet et le tissent à partir de la réalité historique et culturelle de ce territoire. Chaque endroit possède un enjeu particulier. Au départ de Cuges Les Pins, qui est un village à très forte consonance italienne avec beaucoup d'immigrés italiens qui sont là depuis plusieurs générations, se tiendra aussi l'accueil et le départ de ces Italiens venus de l'autre côté des Alpes et qui arrivent avec 90 animaux. A chaque fois, une prise en compte totalement différente de cette grande mosaïque du territoire apparaît.
Pour ces villes là, c'est aussi l'occasion de rentrer dans la culture en faisant le lien avec l'année européenne de la culture qu'est 2013. A Marseille, c'est un événement exceptionnel, cela faisait longtemps que les habitants n'avaient pas vu autant d'animaux débarquer en centre-ville.
Et pourtant c'est naturel, ces villes ne datent pas du 21ème siècle. Elles ont une histoire, elles ont été bâties petit à petit à une époque où on vivait avec des animaux. Les rues ont abrité, côtoyé des animaux par centaines, par milliers. Pour moi, cela me semble totalement naturel de faire revenir des animaux en centre ville. Je pense aussi que ce jour là il y aura beaucoup moins d'accident que tous ceux qui peuvent être générés par des voitures de façon habituelle. Cela interroge les notions de normalité, d'urbanité, de lien avec la nature, de lien avec les autres mais aussi les notions de voyage et de partage. En bref, des questions se soulèvent à propos de toutes ces problématiques essentielles.
Justement sur cette notion de partage, un des axes forts du projet c'est d'impliquer les habitants à plusieurs niveaux. Pouvez-vous nous expliquer plus en détails en quoi consiste cette participation du public ?
Il y a plein de façons différentes de participer, le projet est conçu pour cela. Il est vrai que nous l'avons calibré d'une façon assez particulière, afin de donner la possibilité à tous les cavaliers de venir voyager à cheval avec nous. Les participants qui ont leur propre cheval sont bien sûr conviés mais aussi tous les autres qui peuvent être mis en contact avec des centres équestres ou des éleveurs partenaires de l’événement mettant à disposition des chevaux. Nous sommes entièrement structurés pour les accueillir pour une journée, trois journées ou plus à cheval dans des territoires exceptionnels afin de voyager en Provence.
TransHumance ce n'est pas seulement un spectacle mais également une expérience pour chacun.
Se retrouver en pleine ville ou en pleine nature, à marcher ensemble au rythme des animaux avec les implications euroméditerranéennes de ce territoire : les Italiens invités depuis l'autre côté des Alpes, les Marocains venus de l'autre côté de la Méditerranée, la Provence, les Gardians de Camargue, les chartiers... Tout cela constitue une expérience à vivre. Elle permet de changer notre tempo, notre temporalité, notre rythme de vie et de se mettre un petit peu à l'écoute de la nature. On pourrait résumer l'expérience en disant que l'on va marcher la journée et le soir, on s'allongera dans l'herbe en regardant les étoiles. De grands astrophysiciens, de grands musiciens et de grands conteurs du monde vont nous rejoindre sur plusieurs lieux particuliers, je pense notamment à la maison de la Sainte Victoire ou encore au village de la Sainte Baume. Tous ces spécialistes vont se mêler pour nous montrer ce lien avec le territoire qui s'étend jusqu'aux étoiles !
Le parcours de Tranhumance :
Propos recueillis par J.B. Fontana
crédit photo : Fréderic Chénu - Christophe