La première fois que j'ai vu la terre natale de mon père, il n'y avait plus rien, juste une vaste désolation ...C'était en 1976, la terre avait tremblé, et mon père nous emmenait, ma soeur et moi, voir nos grands-parents pour la première fois depuis leur retour au pays après une vie d'émigrés en Suisse...Ce soir- là, le choeur d'Ovario chantait ; tout était fracassé mais ils étaient debout et ils chantaient.
Voilà comment Nadia Fabrizio, comédienne, fait irruption dans la tradition très italienne du cantastorie, puisant dans le répertoire de Giogio Ferigo, friulan comme ses aïeux. Si tout le monde connaît Giovanna Marini qui collecte, harmonise et interprète les polyphonies traditionnelles italiennes, on connaît moins Giorgio Ferigo (1949-2007), autre chantre de la petite histoire des italiens, faite de départs, de rituels festifs ou funèbres, de luttes sociales et politiques, de berceuses et de sérénades. On a du mal à imaginer, en France centralisée depuis des millénaires, l'impact dans la constitution de l'Histoire d'un peuple de ces micro-histoires chantées, en langue régionale, ici le frioulan que Pier Paolo Pasolini privilégia pour écrire ses recueils de poésie.
Chez Nadia Fabrizio préside la volonté de se réapproprier ses origines et de rendre universels des thèmes qui rassemblent à travers le monde un peuple de gares, de trains, de valises : la douleur des départs, la nostalgie du sol, le souvenir des fêtes, la mélancolie, la misère, le courage, la rage, le retour à la maison. « Emigrant (Emigré), nous le sommes tous un peu, chacun à notre manière, éloignés de ceux que l'on aime, de notre lieu d'origine, de notre histoire personnelle, ou de nous-mêmes. Inscrits dans un perpétuel va-et-vient entre l'ici et l'ailleurs, le présent et le passé».
Epopée familiale oblige, Nadia Fabrizio s'est associée à sa soeur Katia chanteuse classique installée à Lausanne et deux musiciens, Philippe Vranckx, guitariste, dont la recherche tisse la musique traditionnelle flamenca et la musique écrite contemporaine et Christophe Jodet à la contrebasse qui traverse les genres les plus variés, de la chanson au tango en passant par le jazz ou la musique grecque. Un melting pot en harmonie avec ce chant d'amour pour une terre presque au coeur de la Mitteleuropa.
chansons Giorgio Ferigo
musique Pôvolar Ensemble
conception et textes Nadia Fabrizio