Ce matin Juliette consulte son docteur Marcel Bouligon. Il lui apprend qu’elle a des boules, là, dans son ventre. Elle s’est fait des nœuds la Juliette à force de ruminer. Il faut dire que la vie ne l’a pas épargnée. Alban, son père, puis Martin, son amoureux, sont allés rejoindre les anges. Pour Alban, c’était son heure mais pour Martin ? Elle l’aimait tant son Martin. Ces deux-là lui collent des boules tellement c’est difficile de rester, de continuer… Et Marcel Bouligon ne sait pas quoi faire, d’ailleurs il n’a jamais su quoi faire avec cette famille ! En plus il a une rage de dents et sa femme l’a plaqué. Alors il s’enferme chez lui Bouligon et Juliette, elle, elle s’enferme chez elle.
Romance Vinciguerra, la mère de Juliette, fait son entrée. Elle a le sang chaud, c’est une Italienne. Romance enfonce les portes. IL FAUT SAUVER SA JULIETTE ! Marcel obtempère, ausculte, il faut opérer, les enlever ! Enlever ses boules ! Juliette se révolte. Elle veut non seulement les garder mais savoir comment elles sont. La machine à tout voir de Bouligon skie sur le ventre de Juliette, Vinciguerra prend des notes. « Des tableaux, c’étaient. Avec des détails, des couleurs ».
Juliette est peintre. Elle retourne à son atelier. Elle peint tout ce que ses boules ont fabriqué. Et ses boules dans son ventre, ses boules c’est plus des boules, c’est devenu des billes.
Entre conte provençal et poème amoureux, la pièce flirte en douceur avec l’irréalisme et la parabole paysanne autour de la question très douloureuse du deuil. Mais il n’y a dans son traitement aucune complaisance doloriste et si la dernière scène se déroule au cimetière, c’est sous un grand soleil et pour annoncer un mariage. La pièce chante au contraire une grande confiance en l’humain, développe une formidable tendresse et son écriture exigeante, faite de mots simples, de sentiments justes et d’amour de ses personnages nous la rend lumineuse. Aussi touchante, aussi troublante et plein d’une sensibilité naturelle qu’un récit de Pierre Loti ou de Marcel Pagnol. C’est très solaire, très féminin. Un théâtre qui tourne le dos à une violence convenue pour parler de l’amour avec intelligence. Ce n’est pas si fréquent !