2013 vient de s'achever, Jean-François Chougnet se confie sur cette année Capitale Européenne de la Culture. Quels ont été ses coups de coeurs, ses déceptions, ses difficultés mais aussi comment envisage-t-il le prolongement de MP2013 et le rôle qu'il pourrait y jouer.
Votre événement coup de coeur en 2013 ?
"C’est très compliqué mais je dirais le GR2013. Pour moi c’est le résumé de ce que j’aime, individuellement. Il y a un mélange de choses qui, a priori, sur le papier ont tout pour ne pas réussir. Des artistes, la gastronomie, beaucoup de tâches administratives, derrière vous n’imaginez pas la complexité de passer devant 30 000 conseils municipaux.
C’était l’événement le plus compliqué à monter. J’aime individuellement cet événement car pour moi on attend d'une capitale européenne de la culture de l’expérimentation même si ce n'est pas forcément ce qu’on en retient le plus.
Ce qu’on retient ce sont les chiffres, le nombre, le rassemblement des gens. Mais en revanche si dans dix ans on regarde dans le rétroviseur, il restera plus de choses atypiques que de choses classiques. Le Grand Atelier du Midi, on ne s’en souviendra plus, je ne dis pas que c’était pas bien mais on en aura vu d’autres des grandes expos. Ou alors, on verra des choses qu’on a pas repéré sur le moment un jeune artiste qui sera une star dans 10 ans. Alors qu’aujourd’hui en 2013 on ne le remarque pas et on se dira : “La première fois que je l’ai vu c’était à Marseille Provence 2013”. On aura une relecture, ca se passe souvent comme ca dans les grands événements. La lecture historique des événements en instantanée n’est pas forcément le long terme.
"Ma plus grande fierté : avoir accepté jusqu'au dernier moment des projets qui paraissaient bons"
Ce qui m’a beaucoup séduit aussi sur l’année 2013, une chose dont je suis assez fier, peut être même la seule dont je suis fier, c’est la capacité d’avoir accepté jusqu’au dernier moment des projets qui se présentaient et qui paraissaient bons. Par exemple, j’ai adoré Yes we Camp, du OFF… C’est quelque chose dont je suis assez fier, d’être à l’écoute, de les aider en allant voir le Port, en trouvant un peu d’argent... Ce n'était pas inscrit dans le programme de candidature, ni dans la conférence de presse de novembre. Mais ça s’est fait de manière très spontanée avec des gens qui, à priori, n’avaient ni l’âge, ni l’ossature administrative pour monter ça. Et ils l’ont réussi splendidement."
Les événements les plus attendus qui ont le mieux marchés ?
"C’est révélateur de ce qu’est une capitale culturelle et du goût du public extraordinaire qu’il y a ici. C’est le croisement des deux. Capitale Européeenne veut dire qu’il y a des choses qu’on ne refera pas. On a un public qui es râleur ici, on le sait, il est exigeant, mais il peut en même temps s’enthousiasmer aussi vite qu’il râle. C’est quelque chose que je trouve très spécifique. Vous ne trouvez pas ça sur un public parisien, plus blasé peut être parce que l’offre est plus importante, et que les tempéraments ne sont pas les mêmes.
"Ici, quand les gens aiment vous ne pouvez pas les arrêter."
Quand on fait le bilan de l’année, ce qui est important c’est la forme de la courbe. Il y a des événements qui partent tout feu tout flamme, c’est le cas de le dire! ...et je disais à mon équipe - car je suis pessimiste - à la rentrée les gens vont en avoir marre et ça ne s’est absolument pas passé comme ça. Et ça m’a surpris dans le bon sens du terme. Dès la fin août, les gens étaient là : “quand est ce que ça recommence?”. Le Corbusier a marché dans la minute où on l’a ouvert. Le public a senti qu’on n'était pas en train de lui vendre n’importe quoi, il a vu qu’on s’était amélioré. Alors ça crée un autre problème maintenant, c’est que les gens se demandent : “Après il y aura quoi ?” Mais ce n’est pas très grave, si ce n’est que ça la critique."
Les principales difficultés ?
"Au niveau organisationnel on a pas mal balbutié sur un projet très interessant mais peut être un peu au dessus de nos capacités, qui est la Transhumance. Je crois qu’on a peut être vu trop grand. On a dilué un peu la force artistique du projet, ça c’est très bien passé sur Marseille mais dans le territoire j’entends encore des remarques qui sont justes et que je partage. Trop de lieux, trop d’étapes, on l’a mal calibré.
"Sur le Grand Atelier du Midi on a vu peut être un peu trop grand."
C’est très difficile à dire. Ca nous a fait beaucoup paniquer en juin. Je pense qu’on aurait pu calibrer la manifestation différemment. On s’est un peu planté aussi dans la campagne de communication de départ, ce qui n’a rien arrangé. Ce n’est pas que l’événement ne valait pas le coup, c’était juste une articulation pas évidente.
Par exemple, le titre était magnifique, mais à force de le porter pendant deux, trois ans, on ne se rendait plus compte que le public ne le comprenait pas forcément. Beaucoup de gens ont pensé qu’il s’agissait d’une exposition de peintures provençales. Je n’ai rien contre la peinture provençale, mais ce n’etait pas ça. Au final, l’expo s’est redressée sur un changement de com’ et sur le bouche-à-oreille."
L’événement le plus magique aux yeux du public ?
"Il y en a eu un certain nombre, les Révélations notamment. Je connais des gens qui les ont toutes faites. Entre Flammes et Flots est aussi un beau résultat visuel. C’était une très belle idée, arrivée elle aussi en cours de route."
Combien d’évenements au total ?
"Si on pense en contrats, nous avons 600 “fiches”, 300 de plus labellisées MP2013. Mais on va refaire le compte car il a été parfois compliqué. Cirque en Capitale par exemple c'est plusieurs événements . On peut dire autours de 500 projets principaux."
Combien de personnes ont travaillé sur MP2013 ?
"C’est complexe il y a les salariés de l’association, il y a les prestataires de l’association, après il y a les gens qui ont travaillé pour les co-producteurs, les personnels d’accueil… C’est plusieurs milliers de personnes."
2013 a apporté une grosse bouffée d’oxygène à de nombreux acteurs culturels, en 2014 c’est la gueule de bois ?
"Oui, en termes financiers c’est complexe.
La région, on le sait, a réduit son budget. Elle dépend à 100% des dotations de l’état. Dans le reste des collectivités, c’est peut être un côté positif de Marseille Provence 2013, non. Le Conseil Général a annoncé une sanctuarisation des budgets culture. Dans les villes ce sera décidé après les municipales."
La suite de MP2013, Quels événements à venir ?
"Aujourd’hui, on ne peut faire de la préfiguration. L’idée c’est de continuer a travailler ensemble, de ne pas faire un projet artistique mais plutôt un cahier des charges : voilà ce que l’on a envie comme format. Non pas telle ou telle compagnie, mais plutôt de définir comment on compose le cocktail, quel est le calendrier dans l’année.
"une intervention artistique sur le Vieux Port pour début 2015"
Il y a des discussions en ce moment sur des récurrences de Cirque en Capitale. Le Pôle National Cirque a déjà travaillé sur une maquette pour le début 2015. Les arts de la rue sont aussi très mobilisés, l’idée de refaire non pas un Flammes et Flots mais une intervention artistique sur le Vieux Port avec Karwan pour début 2015… J’espère que cela se fera.
La question est dans l’héritage de 2013, les points les plus stratégiques à conserver sont pas forcément ceux qui coûtent le plus cher : c’est maintenir la dynamique des ateliers Euro-méditerrannée, de reprendre l’expérience Quartiers Créatifs ... Mais il faut attendre l’après municipales pour que les choses se décantent, c’est une question de budget et non une question artistique."
Et vous, que ferez-vous ces trois, quatre, cinq prochaine années ?
"D’abord, j’ai envie de faire des comptes, de rendre la maison propre ! Il y a un calendrier à tenir, la compta, l’évaluation jusqu’en avril."
L’envie de prolonger l’aventure ?
"Perso j’aime les trucs compliqués,
si c’est trop facile, ca m’emmerde !"
2013, la grande rétro de Frequence-sud.fr
Propos recueillis par Jean-Baptiste Fontana
Photos : archives Frequence-sud.fr / José Domingues