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Macha Makeïeff : ''La résistance passera par l'art et par la culture''

Musées, théâtres, salles de concerts sont des lieux de pensées et des garants de la démocratie. Quel est leur rôle suite aux attentats ? Nous avons posé la question à Macha Makeïeff, directrice du Théâtre de la Criée à Marseille.

Publié par Redac . le 17/11/2015
Macha Makeïeff : ''La résistance passera par l'art et par la culture''

La France a été durement touchée. Ce massacre s'est notament déroulé au Bataclan, un lieu de culture. Quels sont vos sentiments aujourd'hui?

"On est tous sonnés. On jouait ce soir là Trissotin et les femmes savantes. Les acteurs ont dormi au Théâtre. Ca a été un choc. Il y a aussi le fait que ça commence dans un lieu de spectacle, qu’on essaie de punir, de massacrer des gens qui exercent la liberté. C’est très emblématique de cette barbarie. Faire se taire toutes les expressions de la liberté. Il y a l’extrême compassion aussi. On ressent une extrême proximité car on a tous été dans un public. On a tous été à la terrasse d’un café et même on l’était il n’y a pas si longtemps. Une fois le choc ressenti, on réfléchit et on se dit qu’il faut réaffirmer nos valeurs, réaffirmer nos convictions.

Alors pour les artistes c’est évident, la réaction est de plus que jamais reconnaître le sens de ce que nous faisons. Au fond, c’est un mélange de colère et d’ardeur qui succède à ce choc et qui nous confirme et nous conforme dans l’idée que ce que nous faisons a du sens, et que la résistance passera par l’art et par la culture."


"Au fond, c’est un mélange de colère et d’ardeur qui succède à ce choc et qui nous confirme et nous conforme dans l’idée que ce que nous faisons a du sens."


Musées, théâtres,... sont des Institutions de la République et de la Démocratie. Etes-vous d'accord avec cette idée? Pensez-vous avoir une mission particulière en ce sens?

"Bien sûr ! Dans la société française, un théâtre dans une ville dans une région c’est un phare ! C’est un des temples de la liberté et de l’expression, n'ayons pas peur des mots ! Ce sont des lieux de fiction et d’intelligence. C’est plus que jamais des lieux qu’il faut défendre, mais surtout dont il faut assurer une permanence. Cette colère c’est une bonne colère, elle donne des forces et elle affirme notre mission dans la société actuelle."


 "Notre rôle c’est de donner la parole aux artistes et aux penseurs, de prendre le temps d’élaborer la pensée."


En tant qu'acteur culturel avez-vous un rôle particulier de sensibilisation des publics? Notamment auprès des scolaires et des publics peu habitués?

« C’est une préoccupation quotidienne. On n’accepte pas la mission de diriger un théâtre, et d’autant plus à Marseille et dans d’autres grandes métropoles, si on n’a pas ce désir là. Ce désir de tous les soirs voir des publics qui arrivent pour la première fois, qui découvrent et trouvent le chemin du théâtre. Il faut que ces maisons soient ouvertes et qu’elles soient moins intimidantes. Il faut que parfois on y entre par une autre porte, et pas forcément par celle de l’acte culturel, mais peut être pour découvrir un atelier, une fabrique. Pour arriver par le plateau et voir les métiers du théâtre. Il y a plusieurs façons d’entrer dans un théâtre.

Et il est évident que si on n’a pas cette conviction, celle d’ouvrir les grands textes, les grands artistes et les nouvelles esthétiques au plus grand nombre, on ne prend pas, on n’accepte pas cette mission."


"Nos maisons sont des maisons de réflexion et d’intelligence."


Après les attentats de janvier, il vous a paru nécessaire de vous emparer de la question et d'ouvrir le débat. Ce sera de nouveau le cas? 

"Ca va être nécessaire. Ce qu’il ne faut pas par contre c’est organiser ça à chaud, dans une espèce d’émotivité. C’est pas notre rôle. Le notre c’est de donner la parole aux artistes et aux penseurs, de prendre le temps d’élaborer la pensée. Mais bien sûr que quelque chose aura lieu dans cet esprit là. Et j’espère que ça se fera avec d’autres partenaires dans Marseille. Nos maisons sont des maisons de réflexion et d’intelligence, mais toujours avec l’idée d’une intelligence menée par une pensée. On n'est pas des lieux de parole pour être des lieux de parole. On est des lieux de confrontation des idées."

La fin des Recontres d'Averroès a été annulée. Pourquoi? Les débats vont-ils reprendre?

« Interrompues pas annulées. Ce que je peux vous dire, c'est que si la 22e édition a été interrompue, les 23e rencontres seront d’autant plus éclatantes. On aura une 23e édition magnifique. Il nous a manqué cette journée et je vous assure que la 23e édition sera éclatante."


"Accueillir dans des conditions de sécurité, ça s’appelle la responsabilité, et nous l’avons"


Comment vivez-vous la question de la sécurité? 

"C’est légitime. C’est une douleur de ne pas accueillir le public, mais il y a quelque chose de l’ordre de la responsabilité. Bien sûr qu’on a réfléchi une grande partie de la nuit à cet aspect là et on va voir comment sécuriser au maximum la Criée. Il y a en même temps quelque chose d’anarchique dans le terrorisme, mais accueillir le public est pour nous une absolue nécessité. Mais l’accueillir dans des conditions de sécurité, ça s’appelle la responsabilité, et nous l’avons."

 

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