Fini les butoirs en bout de quai pour la gare Saint Charles, désormais, en 2035 si le calendrier est tenu, les trains vont pouvoir s’y arrêter puis continuer leurs trajets sans avoir à repartir dans le sens opposé. C’est un projet d’aménagement sur 8ha, qui va permettre de créer une nouvelle gare souterraine et d’un budget de 3,65Md d’euros.
A l’horizon 2035, la nouvelle gare Saint Charles disposera de deux hémisphères, la gare historique en surface et la nouvelle gare souterraine, dénommée les Halles de Saint-Charles. La grande gare de Marseille devrait être en capacité de faire voyager 23 millions de personnes par an contre un peu moins de 15 millions aujourd’hui.
C’est un chantier colossal qui s’annonce pour Marseille, avec le creusement d’un tunnel de 8km depuis les quartiers nord de la ville qui arrivera directement sous la gare actuelle et ressortira au niveau de celle de la Blancarde. Mais surtout, il va falloir beaucoup creuser sous l’actuelle gare construite en 1848 pour en créer une seconde.
Au total, plus de 2 millions de mètre cubes de terre et roches vont être extraits, dont plus de 500.000m3 rien que pour creuser la « boîte », cette nouvelle gare souterraine, c’est volume équivalent à celui d’un grand porte-conteneurs.
A 25 mètres sous terre, ce sont 400 mètres de quais qui vont être créés, ce qui permettra d’y accueillir une double rame de TGV. Quatre quais y seront créés, ce qui va représenter une largeur de 47 mètres au total. « C’est bien plus grand que les gares que nous avons créées pour le Grand Paris » souligne Anthony Roy, directeur du projet de la nouvelle gare.
Un tel chantier représente des enjeux importants au niveau technique. Pour éviter des norias de camions en continu, il est envisagé d’utiliser les rails, et des wagons de marchandises pour évacuer ces quantités impressionnantes de déblais.
Cette nouvelle gare accueillera principalement des TGV. Les lignes entre Paris et Nice sont principalement concernées, d’ailleurs les collectivités de la Côte d’Azur sont parties prenantes financièrement dans cet aménagement. Cela permettra aussi de développer des lignes européennes à grande vitesse, avec des interconnexions envisagées entre l’Espagne et l’Italie.
Mais cette gare permettra aussi de développer des trains « classiques » interrégionaux et les TER dont le parcours ne ferait qu’une simple étape à Marseille. Ce sont notamment les trains intercité qui sont les plus pénalisés par le butoir des quais actuels de la Gare Saint Charles, avec la nécessité aujourd’hui de changer de locomotive. Demain, le train de nuit entre Paris et Nice, pourra ainsi s’arrêter directement en gare Saint Charles au lieu de celle de la Blancarde comme c’est actuellement le cas.
Enfin les TER, vont eux, surtout bénéficier de la place libérée en surface et des difficultés de trafic qu’ils peuvent parfois rencontrer. L’objectif de la Région, c’est de pouvoir cadencer les TER toutes les 15 minutes vers l’ouest, et même toutes les 10 minutes en direction de Toulon.
C’est l’Atelier Roberta associé à l’AREP, elle-même filiale de l’entreprise publique SNCF Gares & Connexions qui a remporté à l’unanimité ce concours pour imaginer le look de cette nouvelle gare, et notamment toute sa partie émergée. Ses architectes soulignent leur souhait de créer « une nouvelle gare moderne construite en continuité avec l’existante ».
Ainsi, la partie en surface du nouveau bâtiment prolongera celui historique sur plus de 100 mètres. Le périmètre d’aménagement de cette nouvelle gare s’étale sur 8ha, ce qui est très grand et qui correspond aujourd’hui à des espaces et quais soit inutilisés, soit utilisés par les loueurs de voiture et bâtiments administratifs.
Seul l’hôtel Ibis, relativement récent sauve sa place dans ce secteur.
Dans sa volonté d’imager de nouveaux « espaces urbains », un parvis Jardin Voltaire et un Jardin des Vents seront créés, avec 4300m² d’espaces verts.
Face au enjeux des climats méditerranéens, l’objectif est de proposer des îlots de fraîcheur grâce aux arbres et à la végétation.
Cette gare sera intelligemment pensée, avec une protection du public face au mistral, l’installation de panneaux photovoltaïques sur ses toits et des ombrières permettant de faciliter la ventilation.
Aujourd’hui, la gare est construite sur un éperon rocheux, 6 m au dessus de la ville. Il y aura donc aussi un enjeux pour permettre d’ouvrir davantage cette gare vers la ville, et ces quartiers, au nord au et au sud. La construction du tramway vers la Belle de Mai se fera également sur un calendrier similaire et permettra d’ouvrir d’autres interconnexions avec la ville.
L’autre enjeu sera aussi celui de la sécurité. Depuis des années, le quartier de la gare est notoirement mal famé. Entre problèmes de drogue, prostitution et présence de migrants, les enjeux de sécurité seront aussi un point clé du nouvel aménagement.
Aujoud’hui, la gare Saint Charles est un terminus. C’est un point commun avec la plupart des grandes gares parisiennes : la gare Saint Charles a longtemps été considérée comme un point d’arrivée et non une gare de passage. Or, entre la liaison avec Nice, et surtout désormais avec les lignes européennes, Marseille est de plus en plus une étape et non un terminus.
Aujourd'hui, et dans ces cas là, les trains arrivant à Marseille doivent changer éventuellement de locomotive, ou tout au moins, pour les TGV et autorails, permettre aux conducteurs de passer à l’autre extrémité du train. Cela nécessite parfois plus de 15 minutes.
Cette nouvelle gare souterraine permet donc de gagner de nombreuses minutes, en permettant aux trains de continuer leur parcours et fluidifie aussi grandement la circulation des trains en surface.
«Aujourd’hui Un mur suspend la gare à la ville. Désormais, ce mur va disparaître au profit d’une gare à 360° » souligne Martine Vassal, présidente de la Métropole Aix Marseille Provence.
Aujourd’hui, c’est un véritable gruyère sous l’actuelle gare Saint Charles historique : Tunnel routier, parking sous le square Narvik et surtout la ligne de métro. La seule solution est donc de creuser cette nouvelle gare souterraine plus à l’est, au niveau de l’actuelle Gare des Abeilles, d’autant plus qu’en surface, c’est le seul espace disponible pour être transformé.
Mais du coup, ce nouveau hall de gare sera situé à plus de 300m de l’actuelle gare « historique », voire plus pour la gare routière, le métro et autres interconnections. Il va donc falloir également penser à la circulation du public entre les deux halls de gare.
Deux axes seront proposés : C’est d’une part, la réouverture et la réhabilitation d’un ancien passage souterrain permettant d’accéder directement aux quais actuels, sans avoir à passer par le hall historique.
D’autre part, outre le passage piéton à l’air libre, un couloir va être creusé sous le square Narvik actuel pour accéder directement à la nouvelle gare. Vu la distance, il pourrait être équipé d’un « trottoir roulant », c'est-à-dire un escalator horizontale pour faciliter le trajet à pied.
L’installation de commerces dans cette zone souterraine est également envisagée. Il y en aura aussi certainement dans la nouvelle gare.
En début d’année 2030, Marseille va à nouveau accueillir le monde à l’occasion des Jeux Olympiques d’hiver des Alpes Françaises. Si aucune épreuve n’est organisée à Marseille, la gare Saint-Charles sera un hub essentiel pour permettre aux publics et athlètes de circuler entre les Alpes du Nord via la vallée du Rhône, les Alpes du Sud via celle de la Durance et la ville de Nice.
Comme ce fut le cas pour Paris 2024, un des enjeux en termes de mobilité aurait donc été de pouvoir accélérer le chantier et le livrer pour ces JO.
« Techniquement, c’est impossible de creuser plus vite » explique Jacques Paulet, directeur de l'Agence Ligne Nouvelle Provence Côte d'Azur, en parlant des tunnels et de la construction de la gare souterraine. La date de livraison de la nouvelle gare reste donc inchangée pour 2035, et les JO devront faire sans.
Seul impératif, sur lequel Renaud Muselier, le Président de la Région Sud insiste : pas question de faire passer les voyageurs dans un chantier pendant les Jeux. Une pause dans le chantier est évoquée, d’autant plus qu’il sera principalement situé au nord-est du hall historique donc, a priori, sans trop d’impact sur la gare actuelle.
En réalité, le début des travaux de cette nouvelle gare est espéré en 2027-2028, le temps de continuer et finir les études préalables. Des travaux d'amélioratoin du réseau TER doivent eux commencer dès 2025 pour être livrés en 2030, mais sans commune mesure avec la contruction de la gare souterraine.
La facture du chantier s’annonce d’ores et déjà elle aussi hors-normes. A ce jour, le projet de la " Ligne Nouvelle Provence Côte d’Azur" est chiffré à 3,64 milliard d’euro, avec un financement à 40% de la part de l’Etat, 40% des collectivités locales et 20% de l’Europe.
Environ un milliard d’euro sera dédié à la construction de cette gare et 1,2Md € pour le creusement du tunnel ferroviaire de 8km. Le reste du budget sera consacré aux autres aménagements de cette « Ligne Nouvelle Provence Côte d’Azur » jusqu’à Nice.
Ce budget inclut aussi des aménagements dans l’actuelle gare Saint-Charles historique qui permettront de mieux accueillir les TER, et qui eux, seront livrés en 2030.
Les différents partenaires et acteurs financiers du projets sont optimistes sur les garanties de financement, malgré le contexte économique actuel en France.