Le festival Marsatac fête cette année sa 27e édition dans le Parc Borely, mais l’ambiance est un peu contrariée du côté des organisateurs. Certes, ils sont très fiers de présenter les têtes d’affiche de cette édition, avec Leylow, Brutalismus 3000 ou encore le retour de la Fonky Family, mais financièrement l’association Orane qui organise l’événement est en difficulté. L’édition 2024 du festival s’est conclue par un déficit et il faut désormais affronter la tempête pour 2025.
Une explosion du prix des artistes depuis une dizaine d’années
La raison de ces difficultés est connue : c’est l’envolée des cachets des artistes qui met à mal l’équilibre du festival. En dix ans, les cachets de certains artistes comparables ont été multipliés par 10 voire même 20.
« Cela fait dix ans que cela s’accélère. Un artiste qui pouvait demander 10.000 € de cachet à l’époque peut en demander 200.000 aujourd’hui ! C’est surtout depuis ces deux dernières années, en sortie de covid que les prix ont explosé. On pensait qu’il s’agissait d’une bulle, mais elle n’a pas explosé » explique Laurence Chansigaud, en charge de la communication du festival.
« 50% des festivals sold-out cette année sont malgré tout déficitaires » Béatrice DESGRANGES, directrice de Marsatac.
De nouveaux usages et une concurrence effrénée des festivals à Marseille
D’autres facteurs sont aussi à prendre en compte, notamment dans les comportements des jeunes publics. L’esprit festival tend à s’effacer à la faveur de têtes d’affiche constatent les organisateurs. Certains spectateurs vont venir uniquement pour une star sans forcément vivre le festival dans sa globalité, et sont prêts à économiser davantage pour se payer un concert hors de prix plutôt que venir dans un festival.
Autre analyse que fait l’équipe de Marsatac, celle d’une concurrence de plus en plus forte des festivals à Marseille, et notamment sur la scène des festivals electro. Le Delta Festival se targue désormais d’être le plus grand festival de musique électronique de France, avec 250 groupes et artistes invités. Le billet d’entrée pourra y monter jusqu’à 80€. Depuis quelques années de nombreux festivals electro, plus ou moins viables, se sont lancés à Marseille : Madame Loyal, The Walking Bass, Le Bon Air, Au Large Festival…
« Il y a une concurrence effrénée sur le monde des festivals. Quand on a créé Marsatac, il y avait trois ou quatre festivals à Marseille. Maintenant il y en a à peu près trois par mois, et on n’est pas à l’abri que demain il y en ait trois par weekend ! » regrette Béatrice DESGRANGES.
Dans ces conditions de forte concurrence, malgré son expérience et sa réputation, il est encore plus difficile pour Marsatac d’être en rapport de force pour négocier des cachets artistiques. La concurrence est aussi vis-à-vis du public. Comment réussir à drainer un large public dans un contexte économique morose et la nécessité pour de nombreux jeunes spectateurs de devoir faire un choix parmi toutes ces propositions ?
Réinventer le festival et renforcer l’esprit Marsatac via des projets annexes
L'équipe du festival fait le point sur la programmation 2025 et les enjeux à venir
« Il n’y a pas de doutes sur le fait que la persévérance et la pugnacité qui a toujours incarné cette équipe fait la force de notre proposition. » se rassure Béatrice DESGRANGES. « C’est un choix de ne pas enfourcher cette crise inflationniste qui pousse tous les festivals à toujours plus gros, toujours plus fort, toujours moins écoresponsable. Nous on a décidé de baisser la jauge du festival.»
«On est passé de 21 000 à 15 000 festivaliers par jour. Ce choix, c’est aussi notre engagement pour garantir la qualité de l’expérience, de l’accueil. »
Marsatac, ce n'est pas qu'un gros festival à la mi juin, l'association poursuit ses multiples actions: « Dans cette réinvention du projet, c’est aussi de pouvoir agir en dehors des murs du parc Borely, pour être plus présent sur le terrain et des publics. Nos engagements sur la question de l’émergence sont au quotidien, avec notre propre agence de développement artistique. L’idée étant de consolider et renforcer notre projet, jusqu’à la perspective, peut-être, d’avoir notre propre lieu d’ici quelques mois. »
Fort des 26 éditions passées, Marsatac veut amplifier le lien avec sa communauté, et ceci toute l’année. Parmi les pistes qui seront explorées et renforcées en 2025, il y a l’idée est de multiplier des concerts et des rencontres dans des lieux plus petits comme le parc Lonchamp, la Criée ou la Friche. Marsatac continue aussi son travail d’accompagnement d’artistes émergents.
Enfin, l’équipe est désormais très fière de constater le succès du dispositif SAFER qu’elle a imaginé en 2019 et qui vise à lutter contre les agressions sexuelles et sexistes dans les festivals. C'est désormais devenu une référence. 216 événements et festivals l’ont déployé l’année passée, dont une collaboration remarquée avec les Jeux Olympiques de Paris de 2024.