Quel projet préparez-vous à l’occasion des soixante ans de la Patrouille de France?
Il s’agit d’un duo d’avions de voltige. Les voltigeurs ont une manière de travailler qui est très libre, ils pratiquent ce que l’on appelle le « freestyle ». Ce n’est pas comme les patrouilles qui naviguent ensemble. C’est vraiment nouveau dans le sens où, en général, les patrouilles font des trucs incroyables mais ils n’ont qu’à s’occuper, si je puis dire, de l’horizon et du point central. Avec les duos, chaque voltigeur a son partenaire qui est par moments dans son champ de vision et par d’autres ne l’est plus. Il faut qu’il sache en permanence ce que fait l’autre, c’est comme un duo de danse. Ce sont ces moments là qui sont des instants très forts d’humanité sauf que cela se passe dans le ciel et avec des avions. Voilà ce que nous sommes entrain de construire.
Votre travail consiste, en quelque sorte, à mettre de la chorégraphie dans ce monde aérien, pouvez-vous en dire un peu plus?
Mon rôle est de considérer l’espace du ciel comme un plateau d’un kilomètre cube et du coup de gérer les entrées et les sorties. Ma tâche consiste aussi à me mettre à la place du spectateur, d’imaginer comment réveiller son attention, comment par moment on va ralentir le rythme pour d’un seul coup le surprendre… Le spectacle est fantastique mais si le spectateur décroche il peut trouver les figures répétitives et en ce sens l’histoire perd tout son sens. Mon travail est donc de comprendre comment créer une empathie afin de faire adhérer les spectateurs à ce que font les voltigeurs. Il ne faut pas qu’ils les perdent de vue, qu’ils se lassent des choses incroyables qu’ils voient.
Comment faites-vous pour rapprocher deux univers tout à fait différents?
Tout mon travail a été de les réunir pour n’en faire qu’un seul et même milieu. Il faut comprendre la logique, le langage de chacun. La tâche n’est pas si simple car on dit souvent que, dans l’armée, les gens ne s’étendent pas dans des discours, les rapports aux mots sont très courts, la manière de s’exprimer n’est pas du tout la même. J’ai dû m’adapter, me faire intégrer car je me retrouve très seule en tant que femme civile, artiste au milieu de ce monde qui a eu envie mais qui reste, tout de même, bien particulier.
Comment votre apport personnel se traduit-il concrètement?
J’essaie de leur faire comprendre que bien évidemment ce qu’ils font est génial mais cela peut être totalement incompris par le public. Toute l’histoire est basée sur les moyens déployés dans le but de créer un lien avec le public. Il n’est pas nécessaire de faire des figures extrêmement compliquées au niveau technique car, à l’inverse, cela éloigne. L’enjeu de la nouveauté est de conquérir tous les publics, aussi bien ceux qui n’y connaissent pas grand chose que les professionnels. Il faut lier toutes ces choses là, à la fois pour eux-mêmes et pour les autres. Il faut également être vigilant sur l’appréhension des voltigeurs. Par exemple, lorsqu’ils exécutent des figures simples, il ne faut pas qu’ils aient à l’esprit que leur travail baisse en qualité, bien au contraire. L’enjeu ultime est de faire bouger les points de vue de tous.
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