Un sujet qui parait comme une évidence dans un art d’expression corporelle comme la danse car c’est naturellement le dénominateur commun aux recherches de l’esthétique du mouvement et du geste du danseur. Mais Sasha Waltz en propose une toute autre approche.
Dans Körper, il est question de la déshumanisation des corps et par extension de l’homme.
Là où l’on aurait finalement pu assister à une pure dénonciation ou à une mise en valeur de la beauté des corps, la chorégraphe allemande propose plutôt un constat, un témoignage sur une perception de l’être humain réduit à ses os et à sa chair, d’un être humain traité comme de la matière sans âme et l’une des conclusions ultime de cette dangereuse dérive que matérialise l’holocauste.
Malgré une chorégraphie laissant la part belle à la nudité, Sasha Waltz ne cherche donc nullement à montrer l’esthétique ou la beauté des corps mais plutôt à l’opposé leur dislocation.
L’Homme est finalement ici réduit à un corps, un amas d’organes et de membres que comme les pièces d’une machine, la chorégraphe peut recomposer au propre comme au figuré au grès de son imagination dans un décor très intelligemment conçu.
Au final on assiste à une œuvre intelligente mais sombre et personnelle qu’il convient d’aborder comme telle, c’est-à-dire avec une grande ouverture d’esprit. Personnellement j’y ai trouvé une grande noirceur et quelques longueurs comme dans la scène qui traite de la chirurgie esthétique et du marché de la transformation des corps, et j’ai regretté qu’il n’y ait pas plus de scènes dansées. Cependant j’ai apprécié la scénographie et certains tableaux aux images très fortes et marquantes. Körper est finalement une œuvre qui se mérite et dont on ressort différent, un peu à l’instar de ces chansons à texte : absolument nécessaires mais dont on regrette parfois qu’elles ne soient pas plus mélodieuses.
Par Didier Philispart