Le conte de barbe bleue fait partie de ces souvenirs communs à presque tous les enfants, il constitue avec d'autres contes mythiques l'une des pierres fondatrices de notre imaginaire. Le chorégraphe s’appuie avec finesse sur ce socle profondément ancré en nous, il renverse les rôles pour lentement nous faire perdre pied et nous ouvrir à son propre univers et laisser libre cours à sa créativité.
Il s'amuse à nous distiller ça et là quelques repères, des codes emblématiques tels le trousseau dont l'une des clés ouvre le cabinet au sol rouge sang, ou encore le soleil qui poudroie et le vert de l'herbe qui verdoie pour reprendre les fameux termes du récit original. Voila pour les éléments connus, mais ici la barbe bleue est une femme, la gracieuse Claire Indaburu qui danse parfois avec force parfois avec délicatesse au milieu de ses 6 amants défunts et de son fiancé. Elle les domine, se laisse porter par eux et les mouvements de cet ensemble sont hypnotiques.
On ressent au final une réelle empathie pour cette barbe bleue, femme trahie et désabusée ... dont la confiance symbolisée par ce trousseau de clé vole de main en main. Le monstre sanglant du conte devient subitement profondément humain.
Que dire de la danse ? La chorégraphie est inspirée et on se laisse avec bonheur happé par ce bel ensemble et l'occupation de l'espace de la scène du Grand Théâtre de Provence
Les décors, les costumes n'ont rien d’exubérants ou de tapageurs mais le tout est au contraire intelligent, juste, cohérent, abouti ... et la création musicale est à l'avenant.
La Barbe Bleue est tout simplement un très beau spectacle de danse à conseiller sans aucunes restrictions.
A retrouver les 19 et 20 janvier au Merlan Scène Nationale de Marseille.
Didier Philispart